Pratiquer l’improvisation théâtrale a changé ma vision de la vie

16 septembre 2025

Oui, le titre est accrocheur-aguicheur, mais c’est une réalité. L’improvisation théâtrale change la vision du monde. C’est vrai pour moi. C’est vrai pour les différent•es complices de scène que j’ai pu avoir qui affirment la même chose. Et je le vois aussi chez nos participant•es, car c’est un outil formidable utilisé également en entreprise pour la coopération.

Rejoindre l’autre dans son monde, dans sa différence, est un point commun qu’ont la PNL et l’improvisation théâtralisée.

Je suis tombée dedans à une période où j’avais l’impression de ne plus progresser sur scène. Ça faisait 12 ans que je faisais du théâtre en amatrice, et j’avais envie d’aller plus loin. De tenter quelque chose qui repousse mes limites et mes peurs sur une scène.

Le théâtre c’est très structuré. Le texte est un filet sur lequel on se repose, la mise en scène est son habillement, chaque entrée et sortie est millimétrée, ne laissant pas de place à l’imprévu. L’incarnation du personnage, est un travail très en profondeur fait par les commédien•nes lors des répétitions. Et selon les choix fait par la mise en scène, on peut aller loin dans le jeu des profondeurs humaines, la lenteur ou le vide, tout ce qui participe aussi à l’histoire selon la typologie de la pièce. Presque tout a été étudié en amont.

Alors que l’improvisation théâtrale…

J’avais découvert la troupe du Malin quelques années plus tôt à l’Altercafé à Nantes. Une troupe pionnière dans le milieu à rendre l’impro accessible dans les bars. Moi qui voyais souvent l’admiration dans les yeux du public quand il venait me voir sur scène « 𝐽𝑒 𝑛’𝑜𝑠𝑒𝑟𝑎𝑖 𝑗𝑎𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑚𝑜𝑛𝑡𝑒𝑟 𝑠𝑢𝑟 𝑠𝑐𝑒̀𝑛𝑒 𝑐𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑡𝑜𝑖 »… C’était à mon tour de l’être ! Je les voyais jouer de tout, tenter sans cesse de nouvelles choses, déconstruire les codes connus au théâtre, tant dans le jeu que dans l’espace, minutes après minutes, et être au service d’une histoire. J’étais fascinée de voir de la fluidité de jeu alors que 2 minutes plus tôt le public leur avait imposé leur thème de jeu.

Il est connu que l’improvisation vient du Québec, depuis les années 70, et s’est progressivement diffusé en Europe. Chez eux on en fait à tout âge, c’est une partie prenante de l’éducation et des programmes à l’école. Parce qu’au-delà du plaisir procuré à jouer, c’est aussi un moyen de savoir vivre ensemble.

L’impro et le Hockey : les 2 amours du Québec

La forme d’impro la plus répandue au Québec est le match d’impro avec les même codes que le hockey.

D’ailleurs, les termes employés aussi y font référence. Les 2 équipes en chasubles ( des maillots sportifs avec des N° de joueurs•euses dans le dos ) aux couleurs de leur troupe s’affrontent sur une patinoire. Nous avons des coachs qui nous aident à la stratégie de jeu.

L’arbitre, avec le maillot rayé noir et blanc qui va bien, applique les règles et siffle les fautes de jeu. La puck ( le palet utilisé pour jouer au hockey ) nous départage dans certaines situations. À notre 1ere entrée dans la patinoire lors de l’annonce des noms de joueur•euses, on se fait des hight five à toute l’équipe et chante nos hymnes respectifs main sur le cœur… Bref, les codes sont repris.

Et c’est un spectacle à part entière qui est offert au public, du sport théâtralisé en somme. Avec un•e Mc qui chauffe la salle, vanne le public ou l’arbitre, commente nos impros. Un groupe de musique sur la scène qui joue du son entre chaque scène, mais aussi donne des impulsions musicales pendant les impros, ou vient soutenir une histoire avec des bruitages.

Le public vote avec des cartons et s’il n’est pas content, il balance des chaussons ( oui oui des isotoners ou charentaises ) sur l’arbitre.

Ce qui est moins connu en revanche, ce sont les autres formes d’impro. Surtout plus répandues en France : Catchs d’impro, Cabarets improvisés, improvisations long formats, improvisation dirigée… À Nantes, les troupes sont nombreuses à faire différentes forme d’impro. Et effectivement le match est moins proposé au public car il nécessite une logistique lourde que peu de troupes peuvent assurer.

Pourquoi change-t-il la vision du monde ?

Alors maintenant que le portrait du « paysage improvistique » ( certainement un néologisme de ma confection ) est posé… Pourquoi donc suis-je tombée en amour, comme disent les québécois, de cette pratique le jour où je l’ai découverte ?

Le théâtre c’est très structuré, je l’ai dit. L’improvisation théâtrale est, en apparence, l’inverse de celui-ci. Et je me suis dit qu’un boulevard de transformations possibles s’offrait à moi.

L’improvisation demande de se confronter à un grand nombre de ses limites pour pouvoir s’éclater sur scène. Je me suis libérée de croyances que je ne pensais pas avoir, depuis 10 ans que j’en fais.

Quelques piliers sur lequel nous nous entraînons en tant qu’improvisateur•rices :

1 – Il faut être dans l’instant

On ne peut écrire une histoire que l’on s’apprête à jouer, sinon on tue le game et on manque d’écoute. Pour illustrer avec le match d’improvisation, l’arbitre donne un thème, une catégorie ( c’est une forme d’écriture), une durée de jeu, nombres de joueur•euses autorisés sur scène sur laquelle les 2 équipes vont devoir jouer ensemble.

Exemple : Le thème sera Bien maladroit•e qui veut, à la manière d’un Quentin Tarantino, nombre de joueurs : 2 par équipe, pour une durée de 7 minutes.

Puis les équipes ont 20 sec pour décider qui veut y aller et qui a une idée en tête, ( c’est ce que l’on appelle un caucus) s’installer sur la patinoire avant le gong car sinon une pénalité de retard de jeu sera donné à l’équipe.

T’as pris une place précise dans la patinoire. L’arbitre siffle. Lumière plateau. Il faut jouer.

Tu ne peux anticiper dans ta tête que ton personnage va trébucher sur un objet, et cet objet ce sera un trésor, et ce trésor sera volé, et que des gangs vont s’affronter comme dans les films de Tarantino….

Il faut jouer ensemble, tout de suite.

Il faut jouer avec un•e joueur•euse en face qui est monté•e sur la patinoire, certainement avec une idée différente de la tienne. Parce que peut être que cette personne en face avait l’idée que la maladresse était la norme dans une société imaginaire et que toute personne adroite est méprisée de celle-ci.

Que faire ? Être dans l’instant.

Vivre minute après minute. Si tu poses une première idée de contexte, ou du personnage que tu veux jouer, l’autre va jouer quelque chose auquel tu ne t’attends pas. Il faut composer, intégrant petit à petit les propositions de jeu de l’autre, les faire sienne, et se rejoindre dans l’histoire et tricoter petit à petit une écriture sous les yeux du public.

Si le sujet d’intéresse, on a une formation en co-animation avec Claire Marie Allard de L’école de la Coopération.

Infos et programme détaillé ici

2 – Embrasse le vide

Une chose qui fait bien peur dans notre société contemporaine. Le vide a presque disparu. On peut le classer en voie de disparition car il y a même des stratégies pour remettre du vide dans ta vie tellement l’obsession est aux possessions de tout. Alors le rien… ça fait peur.

Nombre de fois où j’ai mis le pied sur la patinoire, mais j’avais rien. Le thème ne faisait pas jaillir une once d’idée en moi, ne m’inspirait pas, pas de personnage qui me venait. Des fois il faut y aller. Tout simplement. Parce que ça fait un moment que t’es sur le banc, parce que les copaines ne veulent pas y aller, parce que tu maîtrises les codes de la catégorie Tarantino, Molière, conte philosophique, SF…

Et ça parle de plein de choses cette situation. Des fois il faut oser, se lancer, même si on a peur. Des fois il faut faire confiance à l’autre, à son idée, à votre duo. Des fois il faut savoir se reposer sur autrui, leurs idées peuvent provoquer un rebond créatif par la suite. Des fois il faut partir du postulat qu’un public écrit son histoire dans sa tête même s’il se passe peu de chose sur une scène et c’est aidant…

Bon sang ! Ce que tu peux te sentir vivante et apeurée en même temps dans cette situation. L’important c’est que ça ne produise pas l’effet « lapine dans les phares », prostrée et immobile par l’arrivée d’une voiture qui lui fonce dessus.

Que faire ? Embrasser le vide.

Accueillir tout ce qui arrive, ce qui te traverse. D’une part, parce qu’on vit mieux le moment au lieu de le subir si on accueille. D’autre part, on peut en jouer. T’as rien ? Pas d’idée ? Super ! Ton personnage ne possède rien et va à la conquête du monde. Ou n’a jamais d’idée, il doit inventer un nouveau produit dans son entreprise et tu en fais un enjeu dans l’histoire. T’as la peur au ventre ? Super ! Ton personnage à la trouille, tout le temps, de tout, et tu le confronte volontairement à des dangers de différentes ampleur. Ou bien tu trouveras en cours de route de quoi il a la trouille.

Si le sujet d’intéresse, on a une formation en co-animation avec Claire Marie Allard de L’école de la Coopération.

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3 – Se jouer de l’erreur

Le théâtre a l’erreur en horreur. Un trou dans le texte, mauvaise entrée, oubli d’un accessoire dans la mauvaise scène et c’est tous les rouages du système qui peuvent être impactés et faire bugger la machine.

En impro l’erreur, c’est Kdo ! On s’en amuse presque car c’est une opportunité qui est offerte pour rebondir, faire preuve d’agilité, donner du relief…

Je disais que l’impro en apparence n’est pas structurée, elle l’est au demeurant. On s’entraine à connaître les codes, le squelette d’un grand nombre de forme d’écriture. Tarantino par exemple :

  • Il y a souvent de longs monologues, avec des arguments sérieux sur des sujets souvent anodins ou ridicules
  • Les perso ont des identités particulières, c’est rarement le commun des mortels
  • Souvent il y a le sens du détail près, voire de l’absurde de situations
  • Ce sont des scènes théâtralisées avec une recherche esthétique
  • Les combats sont impératifs, spectaculaires voire même sanglants

Donc on dispose de ces codes comme rails à poser.

Imaginons que quelqu’un pose l’arrivée d’un dragon qui détruit tout sur son passage, qui est un des codes de la catégorie Fantastique, pas du tout Tarantino. Si les joueur•euses l’intègrent dans l’histoire au sens littéral, ce sera sifflé comme une faute avec pénalités car la catégorie de jeu est À la manière d’un Tarantino. Alors, comment puis-je tirer parti de cette erreur ? Si je l’accepte telle quelle, comment peut-elle s’inscrire au service de l’histoire ? Ou d’un des personnages ?

Que faire ? Se jouer de l’erreur.

Et faire du lien avec le reste. Les personnages de Tarantino sont souvent monomaniaques. On va aider la personne qui a posé cette erreur à devenir un obsessionnel des légendes médiévales. Ou bien les perso ont souvent des débats ou disputes sur des trucs anodins, pendant une situation sérieuse. On assure une scène de braquage de banque en même temps que l’on se dispute sur « Est ce que tu es pour ou contre les dragons », avec celui/celle qui argumente pour,  pose des arguments absurdes de type «  Tu vois, si les dragons existaient, et si on en avait domestiqué un, on aurait pu ouvrir ce coffre grâce à lui, sans se fatiguer. Au lieu de ça on se tape tout le boulot ! »

Si le sujet d’intéresse, on a une formation en co-animation avec Claire Marie Allard de L’école de la Coopération.

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4 – Développer sa capacité à imaginer

Quel est l’être humain, le plus dans l’instant présent que tu connaisses ? Un enfant.

Si tu observes un enfant face à un radiateur : pour lui, c’est un super chemin pour un lion en plein galop dont les pas font « tukoutouktukoutouk », une olympiade sportive qui offre une formidable possibilité de suspension par les bras, un vortex de jouets qui se perdent entre le mur et le radiateur après moult tentatives échouées pour voir si le jouet tombera au sol… Il n’y a que les adultes pour croire qu’il faut y poser les mains ou coller ses fesses dessus pour s’y réchauffer

Son imagination est illimitée, et l’enfant vit dans le présent. 2 atouts en impro. En impro, tout est possible. TOUT. On peut être un personnage qui a des mains faites en cacahuètes. Et toute sa vie devoir résister à ne pas les manger car on adore ça. Ou toute sa vie vivre un calvaire car on est allergique à l’arachide. On peut débarquer en hélicoptère, le dégonfler et le plier dans sa poche, et convaincre que c’est écologique, puisqu’on ne fait jamais le plein de pétrole.

Et si à ces propositions, ta 1ere réaction a été de te dire «  bah si les mains ont une forme de cacahuète, il n’a pas de doigts ni de pouce, alors comment il fait pour mettre un pantalon ». « Et pis, si l’hélicoptère il est gonflé, ça veut dire qu’il est en plastique, ou sorte de caoutchouc, donc pas si écologique, même si on ne fait pas le plein ». C’est peut être parce que ton taux de pragmatisme est un peu élevé.

Que faire ? Développer sa capacité à imaginer.

Briser les codes du réel, ça peut être un exercice compliqué pour certain•es. Il faut s’inspirer des enfants. La capacité d’imagination, pour moi c’est un sport, cela demande de l’entraînement et l’imaginaire ça se nourrit. De quelle façon ? En partant en exploration de ce qui nous est inconnu, au contact des autres, au contact de ce qui nous déplaît et gratte, en élargissant sa culture G sur des sujets ou domaines que l’on ne maîtrise pas… Il faut venir se confronter à tout ce qui peut nous donner une nouvelle perspective, une nouvelle façon de regarder les choses.

Et dans l’entreprise ?

L’impro aide à avoir une posture ouverte, et nous l’utilisons pour mieux accompagner des équipes et des organisations dans la conduite du changement. Tu vas pouvoir faire grandir ta qualité de coopération et celle de tes équipes avec certains outils d’improvisation que l’on met au service du collectif.

Si le sujet d’intéresse, on a une formation en co-animation avec Claire Marie Allard de L’école de la Coopération.

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Être dans l’instant présent

C’est utile pour faire preuve d’écoute au sein d’une équipe. Mais aussi pour sa qualité relationnelle, avec l’entourage, avec la famille, les enfants.

Le vide ça peut apaiser

Et surtout ça laisse de la place à autre chose. Un vase plein, on ne le remplit plus. Pour avoir des idées neuves notamment, il faut au préalable faire le vide. Changer son regard sur le vide c’est comprendre que c’est l’état zéro nécessaire pour un nouveau chemin, une nouvelle porte qui s’ouvre.

Changer son rapport à l’erreur est intéressant quand on sait que …

C’est le fonctionnement normal du cerveau. De tester, rater, comprendre pourquoi, réajuster certains paramètres, tester, rater… et ainsi de suite. Les apprentissages sont plus solides. Ça vaut en entreprise, mais dans tout le système éducatif, de formation, ou toute organisation qui base sa productivité sur le résultat uniquement. La performance règne partout, même là où elle ne devrait pas être, même dans l’associatif, même dans le sport de tes enfants, même dans la parentalité.

La capacité à imaginer développée, oriente le cerveau vers des solutions.

Le doute observé chez mes participant•es sur leur capacité à être imaginatif et créatif, est fréquent. Et c’est souvent dû à la mauvaise question posée selon moi. « Suis-je capable d’avoir une idée géniale… ? » Réponse non. Bim, mauvaise question.

« Quel est le regard que je porte sur la créativité ? Et ça représente quoi pour moi la créativité ? Quel est le regard que je porte sur moi quand j’ai envie d’imaginer quelque chose… ? » C’est plus intéressant de se poser ces questions là, parce que ça parle de croyances, d’étiquettes, ou d’envie.

Et ça, ça se déconstruit.

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